Agence de notation : la saga des dégradations continue – Episode 1xxx : Le Royaume-Uni
La Grande-Bretagne, l’un des derniers bastions du Triple A, vient de voir sa note souveraine abaissée par l’agence de notation Moody’s d’un cran, de AAA à Aa1 vendredi 22 février 2013. Plongée dans un certain marasme économique depuis quelques années, tout comme la majorité des pays développés, le royaume de sa majesté Elizabeth II avait jusqu’ici bizarrement échappé aux dégradations successives ayant atteint tour à tour les plus grandes puissances économiques mondiales.
Avec une croissance du Produit Intérieur Brut (PIB) en volume oscillant aux alentours de 1% depuis 2010 selon le FMI, après une contraction de 4% en 2009, la Grande-Bretagne était loin de faire partie des meilleurs élèves du monde occidental mais ses diverses annonces de réduction du déficit et autres plans budgétaires couplées à une politique monétaire accommodante de la Bank of England ont servi d’écran de fumée qui a entretenu l’espoir du Royaume-Uni de ne pas être dégradé comme la France ou les États-Unis avant lui. Le FMI table aujourd’hui sur une croissance de 1% en 2013 et 1,9% en 2014 et Moody’s entérine ces estimations en abaissant la note du Royaume-Uni au motif que les perspectives de croissance à moyen terme du Royaume-Uni sont faibles et que cela ne permettra pas au gouvernement de Mr Cameron de redresser la barre en termes de déficit budgétaire avant les prochaines élections générales qui auront lieu en 2016 au plus tard. Ce n’est plus qu’une question de temps avant que Standard&Poor’s et Fitch ne suivent le mouvement.
Mais arrêtons-nous quelques instants sur le cercle vicieux engendré par les agences de notation. Moody’s dégrade la note souveraine du Royaume-Uni parce que les perspectives de croissance ne sont pas bonnes et ne permettront pas au gouvernement de réaliser ses objectifs de réduction du déficit budgétaire et donc, à terme, de la dette publique britannique. Soit. Il semble tout de même important de remarquer que si la croissance n’est pas au rendez-vous, c’est parce que les gouvernements jouent le jeu de l’austérité afin de ne pas voir augmenter leur coût de refinancement sur les marchés, c’est-à-dire afin de ne pas devoir payer trop d’intérêts sur leurs obligations d’Etats. In fine, le but serait de ne pas (trop) augmenter la dette publique en y rajoutant chaque année un déficit supérieur à 3% du PIB. Or, la question de la dette souveraine a été principalement soulevée et mise sous les projecteurs par les agences de notation qui se sont mises à évaluer les États comme des entreprises. Mais comment résorber un tant soit peu la dette publique si la situation économique globale ne permet pas de dégager des excédents budgétaires alloués par la suite à l’effacement d’une partie de l’ardoise globale ? Si ces messieurs-dames des agences de notation (mais aussi des grandes institutions internationales telles que le FMI ou la Banque Mondiale) ne croient pas en des politiques d’inspirations keynésiennes, ce n’est pourtant pas plaidant la cause de l’austérité que la situation s’améliorera. Les États, dont les dirigeants sont souvent imprégnés des mêmes idées d’inspiration néo-classique, ne veulent pas mener une politique de relance, ce qui maintient les économies dans une spirale négative de stagnation et de non-confiance en l’avenir.
L’inflation n’existe plus, la planche à billet peut revenir !
L’outil budgétaire étant donc difficilement utilisable, les banquiers centraux des différentes zones économiques se sont mis à pratiquer le Quantitative Easing (rachat de titres auprès de banques commerciales notamment) pour compléter l’effet de taux directeurs proches de 0%. Ces approches non-conventionnelles ont eu le mérite de relancer un tant soit peu l’économie mais cela ne saurait être suffisant tant les gouvernements semblent incapables de prendre des décisions politiques courageuses face à la puissance des influences néo-classiques présentes à tous les échelons décisionnels gouvernementaux ou supranationaux. Si les banques centrales ont pratiqué allégrement le Quantitative Easing, pourquoi ne pourraient-elles pas racheter des obligations d’Etats afin de redonner des marges de manœuvre aux gouvernements tout en préconisant des contrôles budgétaires plus poussés pour éviter une autre crise de la dette souveraine à l’avenir ?